Dans ce monde brusque qui nous entoure et qui voudrait que tout sans cesse s’accélère, l’écriture inclusive incarne opportunité de redevenir la maîtresse de notre temps personnel et notre temps collectif. En quoi cette approche est-elle vertueuse pour notre projet collectif? Comment convaincre les cohortes dubitatives? Voici quelques arguments, non pas théoriques, mais concrets.
Bien entendu, dans l’application de l’écriture inclusive, il est prioritairement question de droit et d’égalité, (et même d’équité). Au-delà de ces enjeux, l’application de l’écriture inclusive est une occasion de reprendre la main sur le temps qui passe. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
Nos automatismes écrits ou oratoires sont globalement masculanisés ; déjouer ces réflexes est chronophage.
Inclusivité : comment je l’applique
Depuis plusieurs années maintenant, lorsque je dispense des formations en copywriting, rédaction ou storytelling, je m’efforce de parler à tout le monde dans mon audience. Ce devoir d’inclusivité n’est pas sans conséquences :
- Tout au long de mes heures de formation, je « perds » de nombreuses secondes à multigenrer mes propos. Je double les énonciations de métier, je double ou alterne mes mises en situation contextuelles de concepts, etc.
- Toute la journée, une petite voix arbitrale me « contrôle » et m’évalue, attire mon attention sur un manque ou pas d’équité genrée.
Il va de même sur mes productions de contenus. Car rédiger en toute inclusivité ne signifie pas ajouter des kyrielles de points médians par-ci par-là ; c’est un tout un fond idéologique qu’il est nécessaire de tout le temps évaluer et réévaluer – ce qu’une ia est incapable de faire, au demeurant.
Les bénéfices « secondaires » de l’inclusivité
Et pourtant. Et pourtant, cette débauche d’énergie – que je redoutais être une perte de temps – se révèle être bien plus rentable qu’estimé. Je constate que ces efforts ont un impact réel sur mes audiences en formation. Depuis que je me contrains à parler à chacun et chacune, les chacunes interviennent bien plus dans mes formations, ce qui apporte une variété de points de vue plus hétéroclites et – disons-le – moins stéréotypés. Et donc, une qualité de formation plus élevée.
En outre, cette prise de hauteur perpétuelle (au début artificielle, ensuite de plus en plus automatisée) produit un second effet créatif inattendu. Pour celles et ceux qui la pratique au quotidien, la créativité est conditionnée à de multiples facteurs préalables ; deux de ceux-là sont le temps (prendre le temps) et le cadre. Les nouvelles contraintes qu’induisent l’inclusivité systématique est de toute évidence un facteur positif d’une nouvelle forme de créativité.
Inclure : plus que des droits, faire société
Pour moi, dispenser des formations a peu d’intérêt si on ne fait pas société en parallèle d’un partage des savoirs. Appliquer l’inclusivité est un des vecteurs de cet heureux objectif à atteindre.
Tout ceci pour dire qu’à celles et ceux qui arguent que l’écriture inclusive et le parler multigenré sont une perte de temps, je voudrais répondre que c’est vrai mais que c’est faux. Choisir de construire une maison de qualité plutôt qu’un bungalow en carton est toujours une perte de temps : sauf quand arrivent les pluies et les tempêtes. Alors, on réalise que la perte de temps était un investissement judicieux.
A lire et écouter, cet excellent article proposé par Danny Lemieux de Radio Canada : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2048898/ecriture-inclusive-epicene-neutralite-masculin